👺 Interview avec une psychologue sur la peur du jugement
#36 Ou comment déconstruire les mécanismes du "qu’en-dira-t-on"

Hello 👋
Bienvenue dans cette édition #36 des Persos de Maud ! Ça y est, on a passé la barre des 6000 lecteurs dans cette newsletter ! On est officiellement 6028. Que tu sois là depuis le début, ou que tu viennes de me découvrir, merci à tous de me lire ❤️.

Petit rappel
Je serai en live demain à 12h30 pour La Cordée de Stello ! Mon programme de table ronde en compagnie de Nina Ramen, Caroline Mignaux et Victor Lora : “le personal branding, une stratégie payante ?”. Toutes les infos en cliquant ici.
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Au programme
Une peur omniprésente
Les racines du jugement
Tous inégaux
Le changement est possible
Conclusion
Une peur omniprésente
Depuis le lancement de cette newsletter, je demande à chaque nouvel inscrit de m’expliquer ses plus gros blocages face au personal branding par e-mail. Chaque semaine, je reçois environ cinq réponses. Ça fait +200 réponses depuis le début.
Sur le nombre de réponses, vous avez été au moins 60% à m’avoir parlé de la peur du jugement :
“Je pense que les autres vont trouver la démarche ridicule”
“J’ai besoin de m’affranchir du regard des autres et oser”
“J'ai peur de l'avis des autres”
Clairement, c’est le plus gros blocage.
J’ai réfléchi pendant des mois à la meilleure manière d’adresser ce problème. Pour en avoir discuté longuement avec beaucoup de gens, je vois bien qu’un simple article de type “5 conseils pour surmonter sa peur du jugement” est l’équivalent de pisser dans un violon.
Plus j’en parlais, plus j’avais le sentiment que la peur du jugement était quelque chose de bien plus profond.
Alors, j’ai décidé de prendre le taureau par les cornes et d’aller creuser le sujet avec une psychologue. Je crois que comprendre ce qu’est réellement la peur du jugement et comment elle se construit donne plus de billes pour avancer que de faux conseils.
Une fois qu’on sait, on ne peut plus ignorer.
La suite de cette édition des Persos de Maud est le fruit d’une heure et demie de discussion avec la psychologue Katia Perez-Bez dans son cabinet.
Les racines du jugement
Un problème d’estime de soi
Au bout de deux minutes de conversation avec Katia, je découvre que la peur du jugement n’est que le symptôme d’un problème plus large : le manque d’estime de soi.
Elle m’explique “qu’on développe tous une image de soi. On se fait une idée de ce que l’on est, en fonction de ce que l’on voudrait être et de ce qui est attendu de nous. Ce qui effraie, c’est le décalage entre ce que l’autre va nous renvoyer de nous et ce que l’on pense de nous. La peur du jugement n’est pas réelle ni factuelle. Elle est purement psychologique et ne se fonde sur rien d’objectif.”
En fait, le problème, c’est quand on a une fragilité sur ce qu’on pense être — soit l’estime de soi.
Prenons l’exemple de quelqu’un qui pense être un bon orateur. Probablement qu’il critique même certains orateurs en se disant qu’il ferait mieux. Le jour où l’occasion se présente, s’il a peur d’y aller, c’est uniquement parce que dans le fond, il n’est pas si sûr d’être un bon orateur. Il aurait alors peur de découvrir qu’il a eu tort. Car s’il n’est pas bon orateur, cela fait de lui quelqu’un de mauvais. Et s’il est mauvais, alors il n’est pas digne d’amour.
Car si on croit qu’on n’a pas de valeur, qu’est-ce que les autres aimeront chez nous ? “En vrai, la peur du jugement, c’est la peur de ne pas être aimé”.
À l’inverse, Katia me raconte que “si je suis convaincue que je suis quelqu’un d’aimable, et que quelqu’un ne m’aime pas, c’est ok. Je pense qu’il ne m’aime pas parce que je ne corresponds pas à ses critères, mais ce n’est pas moi qui suis remise en question”.
Une construction depuis l’enfance
Naturellement, j’ai demandé à Katia comment l’estime de soi se construisait.
“L’estime de soi se fonde dans l’enfance. Quand on évolue dans un environnement où on est valorisé, on n’a pas peur du jugement”.
À l’inverse, si les parents ne valorisent pas l’enfant, il aura plus de difficultés à avoir une bonne estime de lui-même. Cela n’a pas besoin d’être violent, il peut s’agir de critiques anodines et quotidiennes comme “tu fais trop de bruit”, “tes notes ne sont pas assez bonnes”, ou encore “tu vois bien que je n’ai pas le temps”. L’enfant finit par se dire que :
Ce qu’il fait dérange.
Il n’a rien d’intéressant à dire.
Il ne sait pas s’il est quelqu’un de bien.
Estime de soi ≠ confiance en soi
À ce moment-là, j’y voyais de plus en plus clair. Mais un détail me perturbait toujours. Beaucoup de mes clients sont des dirigeants d’entreprises à succès. Certains lèvent des fonds avec aisance, d’autres managent des équipes de +200 personnes, mais tous sont tétanisés à l’idée de faire un post sur Linkedin.
Comment peut-on expliquer que quelqu’un puisse réussir autant mais avoir peur du jugement malgré tout ?
Selon Katia, c’est la différence entre “réussir dans le faire” et “réussir dans l’être”. On peut très bien être animé par le défi : “Je vais te prouver que je suis capable. Sauf que, dans le fond, je n’en suis pas intimement convaincu. C’est ce que je fais qui réussi, ce n’est pas ce que je suis. D’ailleurs, souvent c’est une technique de compensation. Si on pense qu’on n’a pas de valeur, on peut finir par mettre toute son énergie à produire de la valeur”.
C’est la différence entre confiance en soi et estime de soi :
L’estime de soi, c’est la valeur qu’on s’accorde.
La confiance en soi, c’est la confiance en ses compétences.
Tous inégaux
Certains sont épargnés
À ma plus grande surprise, j’ai découvert que tout le monde n’était pas concerné par la peur du jugement. Certains chanceux sont épargnés. Effectivement, ceux qui ont été élevés par des parents qui les ont encouragés depuis le début n’ont pas ce problème de peur du jugement.
À ce moment-là, j’ai pensé notamment à mon ami Thibault Louis. Dans sa dernière interview avec Nina Ramen, il dit justement qu’il a eu la chance d’avoir un père qui lui a toujours dit qu’il était le meilleur et capable de tout. C’est d’ailleurs un sujet dont on a aussi pas mal parlé tous les deux. Clairement, Thibault ne se pose pas les mêmes questions que moi au quotidien. Il doute moins. Il ne se justifie pas. Il a eu de la chance.
Une réalité granulaire
En vrai, ce n’est pas comme si le monde était divisé en deux, avec d’un côté ceux qui subissent la peur du jugement, et de l’autre, ceux qui y sont totalement immunisés. La réalité est beaucoup plus granulaire.
Mon expérience
En ce qui me concerne, je n’ai pas une très bonne estime de moi. Par contre, j’ai une très forte confiance en moi. Alors, je me suis demandé : comment se fait-il que j’ai réussi à outrepasser cette difficulté et à prendre la parole publiquement quand même ?
Après en avoir discuté avec Katia, j’ai compris que l’explication se trouve dans mon passé. Il y a quelques années, j’ai fait du mannequinat. Cette expérience m’a forcé à me confronter au regard des autres. Et surtout, elle m’a permis de me rassurer sur mon image, au moins d’un point de vue physique, qui n’est pas à sous-estimer.
Aussi, quelques années plus tard, quand je me suis retrouvée “obligée” de prendre la parole sur Internet pour faire connaître mon projet entrepreneurial, je partais forcément de moins loin que d’autres.
Mais alors, je me suis demandé : si la seule chose qui explique ma capacité à m’exposer malgré mon manque d’estime ne réside que dans la chance infime d’avoir fait du mannequinat, comment faire quand on n’a pas cette chance ? Y a-t-il une solution ?
Le changement est possible
Les étapes du changement
Dans l’idéal, il est évident qu’une thérapie avec un psychologue ou thérapeute est le plus efficace pour reconstruire son estime de soi. Néanmoins, tout le monde ne peut pas se le permettre. Alors, j’ai cherché à comprendre comment les psychologues travaillent avec leurs patients pour les amener à transformer leurs croyances limitantes.
Katia m’a confié qu’il y avait trois grandes étapes :
1) Compréhension
La première étape, c’est d’essayer de comprendre d’où ça vient. En général, ça débloque déjà des choses. Beaucoup plus que ce que l’on s’imagine.
Comme expliqué plus haut, très souvent, c’est lié à notre enfance et à la relation qu’on a avec nos parents.
2) Déconstruction
Ensuite, Katia explique qu’il faut “réussir à concevoir les choses comme des vérités de chacun, et non comme une vérité absolue et objective.” Ce que nos parents pensent n’est que leur propre vérité, souvent animée par leurs propres peurs. Ce n’est pas la vérité absolue.
D’ailleurs, il n’existe pas vraiment de vérité absolue non plus. C’est quoi être nul ? C’est quoi être beau ? C’est quoi être compétent ? Tout ceci est subjectif.
3) Acceptation
Une fois qu’on a compris que ce que nos parents disent leur appartient, on passe forcément par l’acceptation.
“Il faut accepter que mes parents sont ce qu’ils sont. Qu’ils n’ont pas pu me valider comme j’aurai voulu, soit parce qu’ils n’en sont pas capables, ou parce qu’ils voient les choses autrement, peu importe… C’est ce que les psychanalystes appellent tuer le père ou la mère”.
À quelques conditions
Au bout de plusieurs minutes de conversation avec Katia, j’ai fini par comprendre l’immensité du travail à faire. Alors, forcément, je lui ai demandé si c’était possible. Est-ce qu’on peut vraiment changer ? Est-ce qu’on peut vraiment reconstruire une estime de soi ?
Elle m’a rassuré. Selon elle, c’est tout à fait possible. Elle a déjà accompagné des patients qui ont réussi à effectuer une transformation. Néanmoins, deux conditions sont nécessaires :
1) Le désir
Certaines personnes se retrouvent bloquées en thérapie pendant des années, tout simplement parce que, dans le fond, elles n’ont pas réellement envie de changer. C’est normal, l’être humain déteste le changement. Parfois, rester dans la peur est plus agréable que d’affronter une nouvelle réalité.
2) La responsabilité
Ce qui nous amène à la notion de responsabilité :
“Nos parents sont ce qu’ils sont et disent ce qu’ils pensent selon leur propre carte du monde. Il y a un moment où on a accepté d’y croire. Donc, on a sa part de responsabilité. On ne peut pas refaire l’histoire. Par contre, on peut prendre une nouvelle décision de ce qu’on décide de croire ou non.”
Conclusion
La plupart du temps, on voit la peur du jugement comme un problème isolé. Or ce n’est que le symptôme d’un problème bien plus profond.
Quand on a peur, on est tétanisé. L’émotion prend le dessus sur le rationnel. Pour avancer, la première chose à faire est de se questionner sincèrement :
Qu’est-ce qu’il se passerait si j’étais jugé ?
Qu’est-ce que je pourrai craindre d’entendre ?
Et si jamais tu veux aller plus loin sur le sujet, Katia m’a recommandé d’aller jeter un coup d’œil aux livres et vidéos de Christophe André qui s’exprime beaucoup sur le sujet de l’estime de soi.
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui ❤️.
Maud
Un grand merci aux entrepreneurs de la communauté qui ont soutenu cette édition :
Mehdi Lariani, qui aide les indépendants et PME à se réconcilier avec la vente pour vendre plus sereinement sans avoir d’objection ⇾ voir sa masterclass gratuite.
Julie Bonnet, qui aide les entrepreneurs à créer leur projet d’entreprise grâce à des coachings professionnels ⇾ découvrir le programme.
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Vraiment cool cette édition ! Dans les conditions pour réussir à effectuer une transformation je rajouterais même : le désir, la responsabilité et l'action. Car sans action, pas de changement.
Merci Maud :)
Merci pour ton approche très fouillée d’un sujet très souvent abordé de façon superficielle. Quelques révélations pour ma part. La distinction entre la confiance en ce qu’on fait et l’estime de ce qu’on est constitue un concept ultra-puissant. Un filtre de compréhension des gens subtil.