L'IA ruine votre confiance d'écrivain
#187 Ou comment ChatGPT nous apprend à douter de nous-mêmes.
Je demande l’avis de Chat GPT pour trop de choses
Dimanche dernier, j’ai fini la première version de ma toute première nouvelle et depuis, je ne pense qu’à une seule chose : demander à Chat GPT s’il pense que ce que j’ai écrit est bien.
Je sais, c’est mal.
Je sais aussi qu’il ne me donnera jamais un avis constructif. Peu importe ce qu’il va me répondre, je vais en douter. S’il me dit que c’est bien, j’aurai tendance à penser qu’il dit ça à tout le monde. S’il me fait des suggestions, je me sentirai dépossédée de ma création. Et s’il me dit ce qui ne fonctionne pas, là, c’est encore pire, car je risque de creuser la question, prendre ce qu’il me dit en compte, finir par faire des modifications que je n’aurai jamais faites par moi-même, y passer des heures, et me retrouver avec un texte qui finalement, n’est plus le mien.
Et pourtant, hier, j’ai quand même craqué. Alors que j’avais fini de tout bien retranscrire sur une version digitale, j’en ai quand même profité pour demander à Chat GPT ce qu’il en pensait.
Je suis ressortie de cet échange avec le même goût amer qu’un lendemain de soirée où l’on aurait trop craqué sur la cigarette.
Je regrette.
Alors pourquoi je le fais quand même ?
Particulièrement sur les sujets où je me sens incompétente
Je le fais parce que je me retrouve dans ce que les psychologues appellent “l’incompétence consciente”. L’écriture d’une nouvelle est complètement nouveau pour moi et je me sens terriblement incompétente.
Selon Maslow, il existe 4 étapes à l’apprentissage :
Incompétence inconsciente : nous ne savons pas ce que nous ne savons pas.
Incompétence consciente : nous sommes douloureusement conscients de nos limites.
Compétence consciente : nous savons ce que nous faisons et nous savons que nous le savons.
Compétence inconsciente : nous sommes tellement compétents que nous n’y pensons même plus.
C’est à cette phase 2 que nous sommes les plus vulnérables, et que nous avons tendance à favoriser toute autre solution que de se confronter à nos limites.
Je l’observe particulièrement chez mes clients.
Vous savez, avec mon métier, je passe beaucoup de temps à relire des contenus. Et ces deux dernières années, j’ai passé de plus en plus de temps à relire des contenus pondus par Chat GPT.
Parce que l’écriture de posts Linkedin ou de newsletter est un exercice nouveau pour mes clients et que ça les met face à leur incompétence profonde sur le sujet. Naturellement, ils n’aiment pas. Et naturellement, Chat GPT offre une très belle porte de sortie : pondre des idées, les écrire, relire et corriger, policer le texte, vous dire si c’est bien ou pas … que ne ferait-il pas pour nous sortir de notre désarroi ?
Ce qui renforce d’autant plus mon sentiment d’incompétence
Le problème, c’est qu’en faisant confiance à l’IA pour écrire nos propres textes, on cesse d’apprendre à écrire nos propres textes.
Sur un groupe Reddit d’écrivain, le message d’une jeune fille m’a troublé :
“J’ai eu peur de publier ceci car je sais qu’internet peut être brutal, mais j’ai besoin de me confier. Veuillez m’écouter.
Donc… je ne pense pas être une écrivaine. Je le veux, mais je suis devenue tellement dépendante de ChatGPT pour mon écriture que j’ai perdu confiance en ma capacité à simplement m’asseoir et créer quelque chose moi-même. C’est frustrant et, honnêtement, un peu démoralisant.
J’ai commencé à utiliser ChatGPT pour affiner mon écriture, et au début, cela a semblé une bouée de sauvetage. Cela a donné à mon travail le polissage dont je pensais avoir besoin. Mais avec le temps, je suis devenue trop dépendante. Maintenant, je ne peux même plus faire confiance à mon instinct. Même lorsque j’essaie d’écrire quelque chose par moi-même, comme une nouvelle ou un chapitre, je me retrouve à consulter ChatGPT pour son opinion ou ses modifications. Je suis tombée dans un cycle où je me sens incapable d’écrire sans cela, et honnêtement, je déteste ça.”
Dans The Artist’s Way, Julia Cameron explique que la créativité s’épanouit lorsque nous avons un sentiment de sécurité et d’acceptation de soi. Et que pour y arriver, il faut s’entourer de gens qui vous nourrissent et non qui vous assistent :
Nourrir : Ces amis vous rappellent votre capacité et vous poussent vers l’action. Ils vous donnent un sens de votre propre compétence et de votre possibilité. Ils mettent l’accent sur votre potentiel interne.
Assister : C’est le soutien qui est conditionnel et qui véhicule le message que vous ne vous en sortirez jamais sans leur aide. Ce type d’assistance crée un sentiment d’impuissance.
The Artist’s Way a été publié en 1992. Mais je suis persuadée que si elle le publiait aujourd’hui, elle inclurait Chat GPT dans les relations toxiques qui vous “assistent” à éviter pour cultiver votre artiste intérieur.
Alors que sans Chat GPT, je renforce ma confiance en moi
À la fin de son message sur Reddit, la jeune fille écrit :
“Je ne sais pas pourquoi je publie ceci. Peut-être que je me contente de me défouler. Peut-être que j’espère que quelqu’un d’autre a vécu quelque chose de similaire et peut me donner des conseils. Je veux briser ce cycle. Je veux faire confiance à mon instinct à nouveau et écrire quelque chose qui me ressemble. Mais j’ai peur de ne pas être assez bonne et de ne jamais l’être.”
Quand j’ai lu cette dernière phrase, je me suis instantanément reconnue. Moi aussi, j’ai peur de ne pas être assez bonne en écriture et de ne jamais le devenir. Et c’est dans cette petite faille là que se glisse Chat GPT aujourd’hui.
Et pourtant, ça n’a pas toujours été le cas.
J’ai de la chance. Ça fait 5 ans que j’écris des contenus. Ce qui veut dire que j’ai passé beaucoup plus de temps à écrire sans Chat GPT qu’avec Chat GPT, et je vois bien la différence.
Je vois bien qu’à l’époque, j’avais tout aussi peur de passer à l’action, mais comme je n’avais pas d’autre choix que de m’asseoir et d’écrire, c’est ce que j’ai fait. Et j’ai bien vu aussi comment, à force de le faire, cet exercice m’a donné confiance en mes capacités.
Parce que, voyez-vous, la confiance en soi est un rendez-vous.
De la même manière qu’on construit une confiance en quelqu’un d’autre parce qu’il fait preuve de fiabilité (faire ce qu’on dit), on construit une confiance en soi quand on se pointe au rendez-vous qu’on s’était fixé.
Alors, donnez-vous un jour et une heure pour écrire, laissez votre ordinateur et portable dans la pièce d’à côté, prenez un papier et un stylo, et écrivez (ceci est bien évidemment valable pour moi-même).
Un jour, vous écrirez quelque chose dont vous serez fier. Mais souvenez-vous que ce jour n’arrivera pas parce que vous avez sollicité Chat GPT, mais parce que vous avez refusé de le faire.
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui ❤️.
Maud
PS : et si vous avez des questions, n’hésitez pas à les poser en commentaires !
PPS : si ce n’est pas déjà fait, tu peux aussi :
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Découvrir mes services de coaching Linkedin.




Aïe ça pique 😣
C’est tellement ce que je ressens … et tellement contradictoire tout ça !
J’adore écrire depuis que j’ai 4 ans 😳 et je pense que c’est une de mes principales compétences alors pourquoi avoir pris cette habitude de tout demander à chatGPT tout en me rendant bien compte qu’il bousille ma créativité, mon talent et ma confiance en moi.
Merci pour cette piqûre de rappel qui renforce ma volonté de m’en détacher. J’ai d’ailleurs ressorti des livres ce week-end pour m’inspirer comme je le faisais avant autrement qu’avec l’IA.
C'est vrai ce phénomène, moi c'est pareil avec le code que j'ai pratiqué depuis 15 ans, mais après il faut aussi accepter de ne pas tout contrôler, comme un patron qui délegue. Et je comprends toujours ce qu'il fait :)
Pour l'écriture, la méthode qui marche bien avec moi, c'est écrire en parlant, éventuellement fragment par fragment.
Puis faire des modifications globales avec l'IA.
"fix + text" est mon prompt favoris.
Donc le post Linkedin est toujours de moi, juste amélioré, mis en page, corrigé.
Mais c'est vrai que pour les textes littéraires que je n'ai jamais écrits, je pense, c'est mieux d'écrire sans.
D'ailleurs j'ai un projet d'écriture en japonais, langue que je maitrise un peu mieux chaque jour, mais pas au point d'écrire de manière fluide.
Je pourrais dicter en français et avoir directement la translittération en japonais. Mais ça n'a vraiment aucun sens.
Car mon idée est d'écrire en partant d'un vocabulaire simple, celui que j'ai et avec cette base développer une histoire.
Puis au mesure que mon vocabulaire élargir le champ des possibles.
Si j'utilise l'IA, j'écrirai dans ma langue.